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En escale en France et en balade ailleurs

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LETTRE 76 : Voyage au Khatland

3 jours du côté de Dire-Dawa et d’Harar

lundi 11 janvier 2010, par Webmestre

Bonne année ! Après une brève escale de vingt-quatre heures à Paris, nous avons repris l’avion pour Addis-Abeba. La vie parisienne est bien étrange. Elle est faite de queues et de froid. Nous avions programmé une visite du Louvre et du Palais de la Découverte. Les temps d’attente furent si longs, que nous avons renoncé. Notre journée dans la capitale s’est transformée en balade commerciale, pas désagréable du tout !

Le soir venu, nous avons rejoint l’aéroport Charles-de-Gaulle. Notre avion, plein à craquer, est parti et arrivé à l’heure. Dès notre sortie à Addis-Abeba, le soleil du matin, le calme dominical simplement troublé par le chant des églises nous a fait sourire. La vie, parfois sobre dans la capitale éthiopienne, n’y est pas si désagréable.

Trois jours de travail et un long week-end s’annoncent. La fête locale de Noël tombe le 7 janvier 2010. C’est chouette de vivre dans un pays aux trois « Nouvel An » et aux deux « Noël ». Nous profitons de la fête pour découvrir les villes d’Harar et Dire-Dawa. Pour nous y rendre, nous avons le choix : soit prendre la voiture et parcourir les cinq cents kilomètres en huit heures, soit prendre l’avion et faire un saut de puce d’une heure (plus deux heures d’attentes et de formalités aéroportuaires). Le prix des billets, 50 euros par personne, la possibilité de disposer d’un chauffeur, d’un guide et d’un minibus nous ont vite convaincus de ne pas prendre la voiture.

Le départ est prévu le 7 janvier à 7 h (donc 5 h à l’aéroport). L’avion est parti à l’heure et nous sommes arrivés à 8 h 15 à destination. Notre guide et notre chauffeur sont au rendez-vous. Moins de quinze minutes après notre atterrissage, nous sommes au bord de la piscine d’un hôtel en train de prendre notre petit déjeuner au soleil. Il faisait environ 25°, pas de quoi se plaindre ! Cette partie d’Éthiopie a des liens historiques forts avec la France. C’est par ici que Rimbaud et Monfreid ont résidé et commercé. Un autre lien, et non des moindres, la présence du chemin de fer construit par la France il y a plus de cent ans. Nous sommes en terre majoritairement musulmane.

À 9 h 30 notre guide vient nous chercher. Nous mettons le cap sur les environs de Dire-Dawa. Quelques kilomètres de goudron, trente kilomètres de piste et une heure et demie plus tard nous sommes à pied d’œuvre. Le site est le long d’une falaise. Une caverne offre de nombreuses petites peintures préhistoriques. Le site a été découvert par une équipe d’Anglais en 1996. Des scènes représentant des hommes et des animaux sont suffisamment visibles pour que les enfants puissent profiter de la visite. Hélas, le temps et les mauvais traitements ont endommagé les peintures. Espérons que les mesures de conservation seront efficaces. Heureusement, seule une petite partie est ouverte au public. Le site est constitué d’un important réseau de grottes et cavités dont la difficulté d’accès limite fortement le nombre de visiteurs.

De retour sur Dire-Dawa nous faisons un petit tour de ville à la tombée du jour. La ville est agréable. Elle dispose de trottoirs, de larges rues bordées d’arbres et de fleurs. Elle tient son essor de la venue du chemin de fer qui relie Addis-Abeba à Djibouti. C’est l’étape intermédiaire de la liaison ferroviaire. Une visite des installations est programmée pour le samedi, avant de reprendre l’avion.

Après une petite promenade pédestre citadine, nous prenons un verre à la terrasse d’un café. De charmantes jeunes femmes assurent le service avec sourire et quelques mots de français. La douceur de cette ville est étonnante et fort agréable.

Vendredi matin le départ est donné à 8 h 30. Nous rejoignons Harar. La ville pluriséculaire est située à cinquante kilomètres environ. Le parcours se fait sur une excellente route qui serpente entre les montagnes et les champs de café et de khat. Ce dernier prend de plus en plus de place dans les surfaces cultivées. Ce sont plusieurs tonnes qui sont envoyées chaque jour sur la Somalie, Djibouti, le Yémen et la Grande-Bretagne. En France, cette plante est classée dans les stupéfiants. Ses effets sont, paraît-il, proches des amphétamines. Par ici, c’est plus de 80 % de la population qui consomme et « broute » les feuilles vertes. La récolte se fait tôt le matin ou tard le soir. Chaque plan donne trois récoltes par an et l’aire permet une production toute l’année. Nous faisons halte à Awaday. C’est le marché de gros du khat. La ville vit au rythme de la récolte du matin et du soir. La plante n’aime pas le soleil et ses effets s’estompent vite avec le temps. Après le marché du matin, les lots quittent la ville pour l’aéroport de Dire-Dawa dont la principale activité internationale tourne autour de l’exportation de cette plante. Le marché est situé derrière la rue principale. Des hommes et des femmes achètent et vendent. Les bottes circulent, changent de main, sont brassées, triées, emballées. Pas un billet de banque à l’horizon et pourtant les transactions portent sur des sommes importantes. À la sortie, une balance sert à fixer les taxes sur la marchandise. Signe de la réussite locale du commerce, la présence de fumeurs de cigarettes, produit fort onéreux par ici.

Nous poursuivons notre chemin jusqu’à Harar, ville de Rimbaud. Il serait plus juste de dire ville antique, une des plus anciennes citée musulmane en Afrique. Elle date du viie siècle. Les premiers Européens y sont rentrés au milieu du xixe siècle. La ville ancienne compte au moins quatre-vingt-dix mosquées. Les ruelles étroites et colorées ne laissent aucun doute sur son caractère arabe. Il y a peu d’artisans. L’essentiel du commerce porte sur des produits agricoles. Nous visitons le musée de la ville, la pseudo maison de Rimbaud (plus personne n’est dupe…) et une maison traditionnelle qui fait office de maison d’hôte. Sur une petite place bordée de boucheries qui dépècent du dromadaire, des milans nous frôlent en cherchant les bouts de viandes laissés à l’abandon.

Notre repas pris nous partons pour la Vallée des Merveilles. Elle est sur la route de Somalie, avant Jijiga. Il s’agit d’un site géologique qui offre de drôles de pierres en équilibre. C’est assez sympa et le lieu est fréquenté par des vervets, des babouins hamadryas et des damans des rochers (à confirmer). Sur la route du retour à Harar nous faisons halte à Babilé. La ville est connue pour ses arachides, cultivées dans les environs. Le village est on ne peut plus sobre. L’essentiel des produits est composé de graines, chaussures en plastique et boissons traditionnelles. La vision d’Aude en train de confirmer nos billets de retour au milieu des femmes qui remplissent leur jerrican d’eau est surréaliste. Nombreuses sont les personnes qui touchent Inès. Elle n’aime pas cela et elle finira la balade sur les épaules de son papa. Cette situation amuse beaucoup de monde tant ce mode de portage, pour un enfant si grand, leur semble incongru. Nous repartons sur Harar.

Le soir venu, nous partons voir l’attraction phare locale : le repas des hyènes. Une légende dit que ce sympathique mammifère a sauvé la ville et depuis, les habitants les nourrissent. Nous nous dirigeons juste à la sortie d’Harar à proximité des abattoirs. Un car de touristes est déjà sur les lieux. À la lueur des phares, un homme, allongé sur le sol, donne des restes de viandes aux charognards. Inès meurt d’envie d’essayer. Le public peut en effet tenter sa chance. L’homme au sol tend un petit bâton à Inès au bout duquel pend un bout de barbaque. Très concentrée, calmement, elle approche la victuaille de la gueule de la hyène qui s’empare de la viande. Les autres visiteurs ne manquent pas de photographier abondamment notre fille. Cette image risque de faire le tour de pas mal de familles. Repues, les hyènes repartent dans les bois pour finir leur nuit.

Nous passons la nuit dans un hôtel très modeste, assez propre, relativement calme et bien situé en ville. C’est ce dernier qualificatif qui caractérise véritablement l’établissement.

Au petit matin, nous rejoignons Dire-Dawa. Avant de prendre l’avion, nous visitons la gare et ses installations. Pour pénétrer dans l’emprise, il nous faut un laissez-passer. Au bureau de la compagnie ferroviaire, une dame nous accueille. Elle parle français, langue officielle du chemin de fer. Nous sommes très chanceux, un train est au départ. Une locomotive diesel Alsthom est en tête de la rame à destination de Djibouti (depuis plus d’un an, le train ne circule plus vers Addis-Abeba). Elle tracte moins de dix voitures fabriquées à Bagnères-de-Bigorre au milieu des années 80. Le confort offert aux passagers est on ne peut plus sommaire. L’animation sur les quais est haute en couleur. Sous les pancartes écrites en français et en amharique, les femmes discutent fortement, montent dans les voitures, en descendent ; ça piaille, ça bouge, ça bouillonne. Les passagers déboursent 5 euros pour faire les 300 kilomètres qui séparent la ville de Djibouti. Il faudra 12 heures à la rame pour arriver à destination. La visite se poursuit par un passage dans les ateliers de la compagnie. Voilà bien quelque chose à ne pas manquer sous aucun prétexte !

Notre séjour express s’achève. Nous partons pour l’aéroport. Trois heures plus tard, nous sommes sur Addis-Abeba.

À suivre !


Voir en ligne : Album photo de la balade